« Apprendre lance l’errance »
Michel Serres
Locatelli était l’un des plus dignes représentants de ces violonistes-compositeurs italiens baroques qui jouaient, les yeux exorbités, l’écume aux lèvres, la perruque folle, une contorsion nerveuse au visage et le pied sonore, timbres et acrobaties spectaculaires. L’audience hurlait et se laissait gagner par la transe. On se défenestrait. Les vibrations fabuleuses de ces virtuosi étaient même capables de faire évanouir les petits oiseaux. Les entendre représentait « un plaisir trop douloureux ».
Entremêlée aux compositions de Locatelli, la musique d’Alex Nante essaie d’établir une résonance avec la dramaturgie et l’intense expressivité des œuvres du grand compositeur italien. Dans ce véritable défi de proposer un dialogue avec la musique de Locatelli il s’est inspiré, d’un côté, des sentiments subtils et contrastés notamment dans Il Pianto d’Arianna, dont l’organisation formelle très singulière représente les états de l’âme ; de l’autre, de la débordante virtuosité de l’ensemble et particulièrement du violon soliste qui évoque une sorte de démesure, d’hybris. D’ailleurs, les univers musicaux alternent dans une progressive métamorphose, où la distinction entre les langages devient confuse. Mais la vraie symbiose se produit dans le Lamento de la Sinfonia Funebre. Ici, à l’accompagnement du tutti ne s’ajoute pas, comme d’habitude, une improvisation du violon soliste, mais un solo qu’Alex Nante a écrit développant divers matériaux musicaux de l’ensemble du périple.